Bonjour à tous,
Il est paradoxal, et amusant, particulièrement dans cette période, de constater que les nombreux blocages dus au confinement ont eu la vertu de débloquer un dossier législatif stagnant depuis 2018. Le rôle des acteurs de l’ESS, en termes de solutions dans des périodes de crise systémique profonde à l’instar de celle que nous venons de vivre avec le Coronavirus, a enfin été pris en compte par le législateur. Ainsi, deux textes mettent fin à des injustices qui, à situation égale, frappaient plus durement l’économie sociale et solidaire que l’économie traditionnelle :
- 1. Prise en compte du statut de bénévole dans l’évaluation de la responsabilité d’un dirigeant associatif - cf loi en faveur de l’engagement associatif (loi n°2021-874),
- 2. Prise en compte du talon d’Achille de certaines structures associatives, à savoir la faiblesse structurelle des fonds propres et par ricochet, des problématiques de trésorerie - cf loi visant à améliorer la trésorerie des associations (loi 2021-875).
En complément, le législateur dans sa sagesse prévoit une responsabilité d’information et de formation des plus jeunes, collégiens et lycéens, aux valeurs fondamentales de l’ESS.
Au nom de l’ensemble des équipes ESS de Baker Tilly, nous vous souhaitons une bonne lecture et un bel été.
Cyrille BAUD
Associé - Expert-comptable - Commissaire aux comptes - Responsable du Pôle ESS
A l’occasion du 120e anniversaire de la loi du 1er juillet 1901, qui régit le fonctionnement de la plupart des associations françaises, deux propositions de loi en faveur du secteur associatif ont été promulguées.
1. Loi en faveur de l’engagement associatif (LOI N°2021-874 du 1er juillet 2021)
S’appuyant sur un rapport de 2014 fait au nom de la commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif (1), cette proposition de loi visait à répondre à la difficulté des associations pour renouveler leurs instances dirigeantes en raison notamment du risque pour les dirigeants d’engager leur responsabilité financière personnelle.
La loi semble répondre à cet objectif « d’encourager la prise de responsabilité associative et de tenir compte de la réalité du monde associatif et de ses fortes contraintes » en créant, à l’image des sociétés commerciales, une exception de négligence pour les dirigeants d’associations concernées par une procédure collective. En outre, en cas de liquidation judiciaire concernant une association non fiscalisée, la faute de gestion pour insuffisance d’actif sera appréciée par le tribunal « au regard de la qualité de bénévole du dirigeant » (nouvel article L. 651-1 du Code de commerce). On attend donc un peu de clémence de la part du juge dans le cadre de telles procédures.
Autre avancée de cette loi, l’augmentation du seuil du nombre de salariés pour pouvoir bénéficier du « service emploi associations » de 10 à 20 (nouvel article L. 133-5-1 du Code de la sécurité sociale). Rappelons que ce service permet une prise en charge globale des obligations déclaratives en matière sociale : une association « tiers de confiance » réalise pour le compte de l’association employeur, les formalités liées à l’embauche, les bulletins de salaire et l’ensemble des déclarations sociales et fiscales.
La loi précise également, dans la lignée de la loi sur la trésorerie des associations, les informations que doit collecter la Caisse des dépôts et Consignation lorsqu’elle reçoit les dépôts et avoirs des comptes inactifs. Dans son rapport annuel, la Caisse des Dépôts et Consignation devra indiquer le montant des sommes acquises à l'Etat qui sont reversées au bénéfice du développement de la vie associative (nouvel article 15 de loi n°2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence). Le projet de loi visait initialement le fonds pour le développement de la vie associative mais les débats parlementaires ont élargi cette possibilité.
La loi innove également en imposant la sensibilisation à la vie associative dans l’enseignement moral et civique dans les collèges et lycées. L’article L. 312-15 du Code de l’éducation précise qu’« une information destinée à la communauté éducative, pour se familiariser avec le milieu associatif local et national et les liens qui peuvent être créés entre associations et établissements scolaires, est éditée par le ministère chargé de l'éducation nationale ». Il pourrait ainsi être envisagé qu’une personne issue du monde associatif intervienne à l’occasion de ces cours.
Enfin, la loi ouvre aux ressortissants algériens de plus de 16 ans, sous certaines conditions, la possibilité de conclure un contrat de service civique ou de volontariat associatif (nouvel article L. 120-4 du Code du service national).
2. Loi visant a améliorer la trésorerie des associations (LOI N°2021-875 du 1er juillet 2021)
Prenant acte de la diminution des ressources publiques au sein des associations et du nécessaire recours au financement privé, cette loi portée par Madame Sarah EL HAÏRY (2) ouvre de nouvelles opportunités en matière de gestion des ressources des associations.
En premier lieu, deux nouveautés concernant les conditions d’octroi des subventions aux associations :
- la loi autorise les organismes à but non lucratif bénéficiaires d’une subvention, à conserver tout ou partie d’une subvention n’ayant pas été intégralement consommée dans les conditions fixées par la convention de subvention ;
- la loi prévoit désormais un délai de paiement de 60 jours à compter de la date de la notification de la décision portant attribution de la subvention sauf disposition particulière de la convention de subvention (nouvel article 10 de la loi n2000-321 du 12 avril 2000).
En deuxième lieu, une nouvelle exception au monopole bancaire (3) est créée en faveur des associations d’intérêt général déclarées depuis trois ans au moins et des associations et fondations reconnues d’utilité publiques qui octroient sur leurs ressources disponibles à long terme des prêts à moins de deux ans à taux zéro aux membres d’une même union ou fédération (article L. 511-6 du Code monétaire et financier). Cette disposition autorise donc, à l’image des sociétés commerciales, les conventions de trésorerie entre associations et/ou fondations.
Remarque : il existait jusqu’alors une exception pour les organismes à but non lucratif qui, dans le cadre de leur mission et pour des motifs d'ordre social, accordent, sur leurs ressources propres, des prêts à conditions préférentielles à certains de leurs membres.
En troisième lieu, la loi précise les informations que doit collecter la Caisse des dépôts et Consignation lorsqu’elle reçoit les dépôts et avoirs des comptes inactifs et impose de préciser dans le rapport annuel au Parlement sur le suivi et la gestion des sommes qu'elle détient le montant des sommes acquises à l'Etat qui sont reversées au bénéfice du développement de la vie associative (nouvel article L. 312-1 du Code monétaire et financier et nouvel article 15 de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014).
En quatrième lieu, la loi permet d’attribuer le boni de liquidation d’une association de financement électoral (ou le solde positif des comptes de campagne d’un candidat) à des associations d’intérêt général déclarées depuis au moins trois ans ou au fonds pour le développement de la vie associative. A défaut de décision de dévolution, l'actif net est versé au fonds pour le développement de la vie associative. Il en va de même lorsque la dévolution n'est pas acceptée (nouveaux articles L. 52-5 et L. 52-6 du Code électoral).
En cinquième lieu, la loi impose la présence des parlementaires dans chaque collège départemental consultatif de la commission régionale du fonds pour le développement de la vie associative ou, le cas échéant, chaque commission territoriale du fonds (nouvel article 27 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018).
En sixième lieu, la loi simplifie les conditions d’appel à la générosité du public. Il convient d’ailleurs de noter qu’on ne parle plus d’« appel public à la générosité » mais d’« appel à la générosité du public ». Ainsi, les organismes qui souhaitent faire appel à la générosité du public sont tenus d’en faire la déclaration dès lors que le montant des ressources collectées au cours de l’un des deux exercices précédents ou pendant l’exercice en cours dépasse un seuil fixé par décret qui ne peut être supérieur à 153 000 €. En espérant que le décret tant attendu depuis 2015 soit rapidement publié…
La déclaration doit préciser les objectifs poursuivis par l’appel à la générosité du public. Si l’organisme fait plusieurs appels dans une même année, il peut effectuer une seule déclaration annuelle.
En outre, si un commissaire aux comptes est désigné, celui-ci doit contrôler la publication sincère du bilan, du compte de résultat et des annexes ces dernières comprenant notamment le compte d'emploi annuel des ressources collectées auprès du public et les informations relatives à son élaboration (nouvel article 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique).
Remarque : on rappelle que le compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public comprend notamment l'affectation des ressources collectées par type de dépenses.
En septième lieu, la loi donne la possibilité à une association qui souhaite se transformer en fondation reconnue d’utilité publique d’interroger l’administration pour savoir si l’agrément qu’elle détient peut être transféré à la future fondation (nouvel article 20-2 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 198).
En dernier lieu, la loi étend l’agrément pour assurer l’enseignement de la conduite des véhicules (agrément accordé par le préfet) aux fondations qui exercent dans le champ de l’insertion ou de la réinsertion sociale et professionnelle (nouvel article L. 213-7 du code de la route).
On notera que l’amendement proposé par un député visant à supprimer le droit de préemption urbain (DPU) pour les immeubles donnés aux fondations, congrégations ou associations n’a finalement pas été approuvé par le Sénat. Cette mesure aurait pourtant permis d’accroître le financement du secteur des organismes à but non lucratif sans porter atteinte au fondement du DPU qui vise à protéger l’intérêt général.
Voici donc deux lois qui contribuent au développement de la vie associative en favorisant l’engagement bénévole et en ouvrant les possibilités de financement.
Sarah BERTAIL
Avocate - Oratio Avocats
sarah.bertail@oratio-avocats.com
(1) Rapport enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 novembre 2014 N° 2383 au nom de la Commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposer des réponses concrètes et d’avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie sociale et citoyenne et conforter le tissu social. Présidence : Alain Bocquet. Rapporteure : Françoise Dumas.
(2) Ancienne députée, aujourd’hui secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse et de l’engagement.
(3) Cela correspond à l’interdiction de réaliser à titre habituel des opérations de crédit par une personne autre qu’un établissement de crédit ou société de financement (article L. 511-5 du Code monétaire et financier).
En accompagnant le tout premier incubateur de la philanthropie, nous mettons notre expertise tant au service de la structure que des porteurs de projets qui y seront accueillis ; un partenariat qui permet au groupe de participer activement au développement de projets à impact positif pour la société. Entretien croisé entre Cyrille Baud, responsable du pôle ESS Baker Tilly et Camille Marc, responsable conseil et incubateur du Philanthro-Lab.
Philippe Journo, Président fondateur de la Compagnie de Phalsbourg, nourrit deux convictions : « donner rend meilleur » et « toutes les causes sont bonnes ». A ses yeux, la ville de demain ne peut s’imaginer sans un lieu dédié à la générosité et au vivre-ensemble.
C’est la raison pour laquelle l’association a proposé le concept innovant et inédit du Philanthro-Lab à l’occasion de l’appel à projets Réinventer Paris, lancé par la mairie de Paris pour transformer l’Hôtel de la Bûcherie, dans le Ve arrondissement.
Camille Marc, responsable conseil et incubateur du Philanthro-Lab nous décrit les enjeux de ce projet et l’appui qu’elle a trouvé auprès de nos équipes pour accompagner son lancement.
Cyrille Baud : Quel est l’éventail des missions du Philanthro-Lab ?
Camille Marc : Le Philanthro-Lab est le premier lieu dédié à la philanthropie, convivial et ouvert à tous les publics. Il poursuit 2 missions :
- Démocratiser le geste philanthropique : en ouvrant ce lieu exceptionnel et en proposant une programmation attrayante et accessible, nous souhaitons faire découvrir à chacun les enjeux et bienfaits d’une société fondée sur la générosité et développer la culture du don. Le Philanthro-Lab est un démonstrateur de la philanthropie avec un mot d’ordre : tous philanthropes !
- Créer un écosystème favorable à l’essor de la philanthropie : avec son espace de coworking au service des porteurs de projets et des mécènes, son incubateur et la production de contenus, le Philanthro-Lab accompagne l’émergence, le développement et la pérennisation de projets d’intérêt général.
Cyrille Baud : Pouvez-vous nous présenter en quelques mots la genèse de notre partenariat ?
Pour répondre au mieux aux interrogations des résidents et pour proposer un accompagnement de qualité aux lauréats de l’incubateur, nous nous entourons d’un écosystème d’experts qui souhaitent faire partie de cette belle aventure du Philanthro-Lab.
Nous avons d’abord rencontré Maître Sarah Bertail (Oratio Avocats) qui accompagne les porteurs de projets de l’incubateur sur leurs problématiques juridiques en mécénat de compétences. Elle nous a ensuite présenté l’offre de Baker Tilly en faveur des structures à but non lucratif. C’est ainsi que nous avons noué un partenariat sur 2 volets : Baker Tilly soutient l’association du Philanthro-Lab et intervient en pro bono auprès des lauréats de l’incubateur sur les aspects fiscaux et comptables.
Cyrille Baud : Quels sont les bénéfices attendus de ce partenariat ?
Les bénéfices sont multiples. A l’échelle du Philanthro-Lab, c’est très précieux de pouvoir être accompagné, notamment au démarrage d’un projet inédit, pour cadrer l’activité et pouvoir expérimenter sans se mettre en risque.
A l’échelle de notre communauté, nous croyons beaucoup dans la force du partage d’expérience et de la rencontre pour développer des projets, faire tomber des barrières psychologiques et donner envie au plus grand nombre de se lancer et de donner vie à leurs projets philanthropiques ou d’intérêt général.
Philanthro-Lab - 13-15 rue de la Bûcherie, 75005 Paris